C’était la première fois qu’une cliente pleurait en consultation de nutrition.
Sur ses deux chiens, l’un est mort brutalement d’une cardiomyopathie dilatée, l’autre a été diagnostiqué à temps mais sera probablement malade cardiaque à vie.
En consultation, on étudie l’histoire : deux chiens d’âge moyen, non apparentés, n’appartenant pas à des races à risque de myocardiopathie dilatée.
Le cardiologue me les envoie pour explorer la piste nutritionnelle.
Les deux chiens mangeaient un aliment contenant 14 % de pois.
Je dis donc à la dame « ah oui ça pourrait expliquer, il y a beaucoup de publications en ce moment sur les risques cardiaques associés aux aliments contenant du pois en grande quantité ».
Elle m’a regardé, les yeux pleins de larmes et m’a demandé « pourquoi vous ne m’avez rien dit ? ».
Cette dame avait été consulter deux vétérinaires que j’avais formées aux données de la science.
Et la science c’est mesuré donc mon discours l’était aussi : « aucun risque prouvé avec les céréales, aucun intérêt prouvé des légumineuses mais un risque suspecté avec les légumineuses donc la balance bénéfice-risque n’est pas en faveur ».
Est-ce que pour autant on prévenait chaque client donnant un aliment riche en légumineuses ?
Non, parce que le risque était loin, aux États-Unis, dans les publis, pas dans nos consultations en train de pleurer.
Alors j’ai promis à cette dame, promis que son chien ne serait pas mort pour rien.
Que je changerai mon discours, que dorénavant je préviendrai toutes les personnes donnant des aliments riches en pois.
Car même si on me dit « les myocardiopathies dilatées ce n’est que quelques % », quand c’est le vôtre, c’est un chien sur un.
Votre chien n’est pas un pourcentage.
Je suis prête à prendre des risques d’effets secondaires pour quelque chose qui a un bénéfice : un médicament, une anesthésie, … mais pas pour quelque chose qui n’a aucun intérêt comme le sans céréales.
En déconseillant les aliments riches en légumineuses et donc la mode du sans céréales qui en est à l’origine, j’ai fait face à une levée de boucliers de la part… des gens qui formulent du sans céréales… (étonnant).
Pourtant les données s’accumulent et sont de plus en plus formelles.
Si au départ la suspicion de la FDA était assez floue, aujourd’hui elle est ciblée sur les pois et les lentilles, en grande quantité, retrouvés principalement dans les aliments sans céréales.
« Most of the diets associated with the reports of non-hereditary DCM have legume seed ingredients, also called “pulses” (e.g., peas, lentils, etc.), high in their ingredient lists […] pulse ingredients are used in many “grain-free” diets in greater proportion than in most grain-containing formulas » (source)
Enfin, un dernier article publié dans PlosOne récemment par… des cultivateurs de pois (pour ceux qui aiment chercher les conflits d’intérêts) conclut qu’un régime riche en pois pendant 28 jours a augmenté les niveaux de NT-proBNP et suggère des stades précoces et subcliniques de la MCD.
Bref, toujours plus de risque associé à des teneurs élevées de pois dans l’alimentation des chiens pour quel bénéfice à en incorporer ?
J’attends encore les études…


